El Hidalgo Don Quichotte de la Mancha

Publié le par Lofoten

Don Quichotte, c'est avant tout une guerre littéraire que Cervantès entreprend en faveur d'une littérature plus réaliste et originale contre les romans de chevalerie qui sont, d'une part, pleins de rêve et de magie, et d'autre part, une répétition à l'infini autour d'un même thème jusqu'à la saturation.

L'absurdité et le ridicule de l'idéal chevaleresque seront d'abord exposés par le biais du personnage de Don Quichotte, ce petit provincial à qui les romans de chevalerie ont tourné l'esprit à un tel point qu'il se croit réellement chevalier en mission dans un monde rempli de sortilèges et

d'enchantements. Comme tout chevalier a besoin d'un écuyer, Cervantès lui fournit le secours de Sancho Panza, petit gros bonasse, peureux et superstitieux, mais également doté d'un gros bon sens rusé de paysan. Comme cheval, Don Quichotte devra se résoudre à une rachitique bestiole nommée Rossinante et en guise de dame à aimer, Dulcinée du Toboso, une paysanne

des environs qu'il ne verra jamais deviendra l'élue de son cœur. Enfin, toute l'histoire consiste à promener son illuminé sur sa branlante monture avec son paysan d'écuyer dans les parages de leur village où ils s'émerveillent, s'effraient et s'enorgueillissent de leurs mésaventures insignifiantes pour le plus grand plaisir du lecteur.

D'autre part, Cervantès impose son propre style, déjà moderne, en intervenant personnellement afin d'introduire un constant rapport à la réalité au cœur même de son écriture. (À noter que Chrétien de Troyes intervenait

aussi déjà personnellement dans ses premiers romans de chevalerie, mais que c'était plutôt pour faire de la surenchère vers le merveilleux que pour ramener son lecteur sur terre.) L'auteur s'amuse aussi à singer l'expression souvent fleurie à l'excès des mauvais romans de chevalerie pour accentuer la bouffonnerie et le ridicule des situations.

Cervantès use également de la position de « fou » qu'il a donné à Don Quichotte pour juger, en étranger d'occasion, les absurdités qui se glissent, par quelque détours de l'histoire, au sein de toutes structures sociales

normales, comme le feront Montesquieu dans ses Lettres persanes ou encore Cyrano de Bergerac dans ses voyages sur la lune et le soleil.

Enfin, et c'est l'essentiel pour qu'une œuvre intelligente et brillante devienne un classique de la littérature, le roman, dans tous ses détails, est un véritable plaisir à lire. On se laisse entraîner à survoler les excursions de Don Quichotte, Rossinante et Sancho Panza, toujours le sourire aux lèvres, parfois en riant franchement et même, en riant jusqu'aux larmes.

Prosper Mérimée, dans une préface au chef-d’œuvre de Cervantès, rapporte, en effet, que « Philippe III étant à un balcon de son palais de Madrid...aperçut un étudiant qui lisait au bord de la rivière, riait, se frappait le

front et donnait les signes d'un plaisir extraordinaire. « Ce garçon est fou, dit le roi, ou bien il lit Don Quichotte. » Un courtisan s'empressa d'aller demander le titre de ce livre si amusant : c'était en effet le Don Quichotte. »

Publié dans B) Don Quichotte

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